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     Présentation de la douleur

     Jusque dans les années 1980, la douleur chez l’enfant et a fortiori chez le prématuré a été niée. Les nourrissons étaient parfois opérés sans anesthésie et les soins médicaux douloureux réalisés sans analgésie, ni sédatif. En effet, les médecins pensaient que le système nerveux de l’enfant était trop immature pour ressentir la douleur et qu’aucune mémorisation n’existait. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde sur le fait que les bébés (à terme et prématurés) sont sensibles à la douleur et qu’il est important de la prendre en charge.

     Les études actuelles estiment que les structures anatomiques, physiologiques et biochimiques nécessaires à la perception de la douleur sont ainsi en place dès la 24ème SA. Même le plus petit prématuré dispose de tout le système de transmission de la douleur. De plus, chez lui, cette perception est plus diffuse dans l’espace et plus durable dans le temps. J. SIZUN parle également de l’existence d’un seuil bas de la douleur chez le prématuré et donc d’une hypersensibilité, d’une allodynie, les mécanismes d’atténuation de la douleur n’étant fonctionnels que plus tardivement. Quant à L. VAIVRE-DOURET, elle évoque le fait que « la survenue d’une douleur en période périnatale serait susceptible de provoquer un bourgeonnement définitif des récepteurs périphériques, véritable mémoire biologique de la première douleur sur un système nerveux immature ». Des épisodes douloureux répétés pourraient même entraîner des altérations durables du développement neuro-comportemental à l’âge adulte. 


     La souffrance corporelle du bébé prématuré

     En néonatalogie, le corps du bébé fait l’objet de toutes les attentions médicales. Il reçoit des soins vitaux indispensables mais dans une grande majorité désagréables, voire douloureux (pose d’un cathéter, perfusion, ponction au talon…). La peau du nouveau-né est ainsi percée, malmenée et les orifices naturels détournés de leurs fonctions naturelles (ombilic maintenu perforé pour mettre un cathéter, narines envahies de tuyaux…). Elle ne peut donc plus jouer son rôle de contenant. Le plaisir oral risque également d’être désamorcé, ce qui pourrait avoir des conséquences sur le plan de l’alimentation et du développement du langage. Le bébé prématuré apparaît alors plus comme un objet de soins, qu’un sujet à part entière et son corps risque d’être associé à la douleur. De plus, le nouveau-né peut également présenter une pathologie douloureuse comme l’entérocolite, subir des opérations chirurgicales et/ou être soumis à diverses sources de surstimulations (auditives, visuelles, tactiles…)… C’est pourquoi il paraît essentiel de se préoccuper de son confort et de l’aider à ce qu’il se constitue l’image d’un corps plaisir. 


     La "souffrance psychique" du bébé prématuré

      Angoisse, stress provoqué par les soins, débordement du système de pare-excitation... le vécu du bébé est douloureux en néonatalogie. De plus, il faut savoir qu’une douleur physique intense et prolongée peut provoquer une souffrance psychique, voire une désintégration de l’appareil psychique.
Face aux angoisses corporelles, au traumatisme de la naissance et de la séparation, «le bébé a besoin de trouver un objet secourable lui permettant de retrouver un état d’intégration », il a besoin d’un environnement qui le contient et qui assure son sentiment de sécurité interne. En effet, si les angoisses archaïques (moro, chute, morcellement…) sont normales chez le nourrisson, il faut qu’elles soient comprises par un autre pour qu’il puisse se contenir seul, échapper à la désintégration et ressentir un sentiment d’exister, de confiance en soi et de continuité. Dans le cas d’une naissance prématurée, l’enfant ne peut bénéficier de la sollicitude maternelle particulière aux premiers jours de sa vie, celle-ci n’étant pas toujours auprès de lui. Il va alors utiliser ses propres moyens de défense, archaïques et immatures : accrochage du regard à un point lumineux, agrippement à la sonde…, ce qui peut entraîner, à plus long terme, des conséquences négatives sur son développement. 


     La sémiologie de la douleur

    - Les indicateurs physiologiques : sudation palmaire, accélération de la fréquence cardiaque, apparition d’apnées, chute de la saturation en oxygène, élévation de la tension artérielle…

    - Les indicateurs comportementaux et émotionnels : pleurs, crispation des membres, expression faciale spécifique (yeux crispés, froncement des sourcils, bouche ouverte…), agitation corporelle, difficulté d’endormissement, retrait de la relation, fuite du regard…

    - Les signes directs de douleur : la position (attitude) antalgique (position inhabituelle nécessitant de la part de l’enfant une dépense d’énergie pour s’y maintenir), un attouchement de la zone de souffrance (le nouveau-né fait des mouvements répétés de sa main vers la zone douloureuse).

    - Les douleurs de longue durée se manifestent par une atonie psychomotrice : elle évoque une symptomatologie pseudo-dépressive. Le bébé présente une réduction de sa motilité spontanée, une rareté de l’initiative motrice, une raideur, une perte de son ajustement postural et une altération de sa capacité à interagir (regard fuyant…). Souvent, pour se protéger face à cette douleur, le bébé va diminuer son niveau de vigilance (en se réfugiant dans la somnolence, voire dans le sommeil). 


     Mémorisation et conséquences de la douleur

      Le nouveau-né n’a pas de mémoire consciente, mais il mémorise les évènements sous forme de mémoire inconsciente (de souvenirs enfouis), ce qui va modifier les expériences douloureuses suivantes (la douleur éprouvée lors d’un soin a donc un impact sur la douleur éprouvée lors des soins ultérieurs).
Chez l’enfant, il existe une certaine plasticité qui permet des changements structurels, anatomiques, et neurochimiques, qui vont constituer une trace de l’évènement et vont ensuite moduler la perception de l’évènement douloureux suivant. La mémorisation joue dans l’anticipation de l’expérience suivante. L’anticipation a elle un impact sur la douleur suivante et donc des conséquences à long terme.
Il y a donc chez le nouveau-né une empreinte dans la mémoire avec des conséquences a court et moyen terme. Sur le plan biologique, la réponse au stress est accentuée, et sur le plan comportemental il y a une réaction d’anticipation (pleurs avant le prélèvement), une majoration de l’intensité de la détresse (durée du cri, grimace) lors des soins douloureux ultérieurs ainsi qu’un abaissement du seuil de retrait. Il peut même y avoir une sensibilisation de l’enfant à la douleur avec une hyperalgésie et des conséquences sur le plan comportemental et cognitif.


   
  En pratique, certaines observations sont réalisées :

- Chez un bébé, lors d’un deuxième prélèvement sanguin, on observe un changement dans son comportement, une modification des hormones de stress, une agitation avant l’examen…
- Chez un bébé qui a eu une naissance difficile (ancien prématuré), on observe des pleurs importants et de longue durée lors des vaccinations ; ou encore on va voir des bébés qui retirent très vite leur membre piqué

     Il est encore difficile de connaître les conséquences à plus long terme, mais chez l’ancien grand prématuré, la somatisation à l’âge de 3/4 ans est plus fréquente que chez les enfants nés à terme.
     De plus, toute douleur forte et prolongée chez l’enfant prématuré risque de lui faire perdre le sentiment de la continuité d’exister et s’intègre au niveau psychique comme une rupture de l’état de bien-être. Les douleurs prolongées peuvent également aboutir à la construction d’un schéma corporel éclaté et à une modification profonde de l’image corporelle. C’est pourquoi il est nécessaire de prendre en charge la douleur du prématuré, afin de rétablir un certain bien-être et d’éviter toute conséquence sur son développement physique et psychique.
 



     Evaluation de la douleur

     L’évaluation de la douleur est une étape fondamentale de la prise en charge de l’enfant prématuré et se fait à l’aide de grilles et d’échelles d’évaluation (PIPP, EDIN, DAN…).


     Premature Infant Profile Pain (PIPP)


Cette échelle a été élaborée et validée pour mesurer une douleur aiguë brève ou la douleur d’un soin invasif chez le nouveau-né prématuré. Elle inclut sept items dont trois comportementaux, deux physiologiques et deux contextuels, pour un score de 0 à 21 en fonction du terme de l’enfant. Elle peut être utilisée au chevet du nouveau né, mais n’est pas très souple. Il s’agit d’observer l’enfant 15 secondes avant l’évènement et 30 secondes pendant le soin. Elle nécessite la mesure de la SpO2 et de la FC tout le long du geste.

http://www.pediadol.org/grille-pipp-premature-infant-pain-profile.html

 

     Echelle de Douleur et d’Inconfort du Nouveau-né (EDIN)

Cette grille est élaborée et validée pour le nouveau-né à terme ou prématuré. Elle permet de mesurer un état douloureux prolongé (lié à une maladie, à une intervention chirurgicale ou à la répétition fréquente de gestes invasifs). Elle nécessite un temps d’observation prolongé de l’enfant (4 à 8 heures). Le score peut aller de 0 à 15 et un score dépassant le chiffre 4 nécessite une thérapeutique antalgique efficace (en dessous on évoque plutôt l’inconfort).

http://www.pediadol.org/grille-de-douleur-et-dinconfort-du-nouveau-ne-edin.html

 

      Douleur Aigue du Nouveau-né (DAN)


Elle a été conçue pour évaluer la douleur aiguë du nouveau-né à terme et prématuré. Elle comporte trois items comportementaux : réponses faciales, mouvements des membres et expression vocale de la douleur, pour un score de 0 à 10. Elle est d’utilisation très simple.

http://www.pediadol.org/grille-devaluation-de-la-douleur-aigue-du-nouveau-ne-dan.html

 

        Neonatal Facial Coding System (NFCS)


Cette échelle est utile pour mesurer la douleur aigue lors d’un soin. Il s’agit d’un système basé sur l’analyse des expressions faciales des nouveau-nés à terme et prématurés. Cette échelle comprend actuellement 4 items, soit contraction des paupières, froncement des sourcils, accentuation du sillon naso-labial et ouverture de la bouche. Elle peut être employée en routine au chevet du nouveau-né, avec un score de 0 (aucun item) à 4 (tous items présents). Chaque item est coté 0 si absent et 1 si présent. 

http://www.pediadol.org/neonatal-facial-coding-system-nfcs.html
 


     La prise en charge de la douleur

     Actuellement, les médecins prescrivent des médicaments antalgiques, anesthésiques et sédatifs, à des doses adaptées au poids et à l’âge des bébés. De plus, l’administration d’une solution de saccharose (analgésie sucrée) et/ou l’application de la crème anesthésiante de type EMLA (anesthésique locale) sont de plus en plus utilisées avant un acte douloureux. La prévention de la douleur va ainsi amener une coopération du bébé lors des soins suivants et si la douleur est bien prise en charge, il n’y aura pas de sensibilisation, donc pas de conséquence à long terme sur la perception de la douleur.
    Cependant, comme l’indique M. FELDMANN, les médicaments peuvent comporter des effets secondaires à plus ou moins long terme pour le nouveau-né. C’est pourquoi des traitements non médicamenteux sont développés dans les services de néonatalogie. Le psychomotricien, par ses actions, va contribuer à la prévention, à la diminution de la douleur et à la recherche du confort du prématuré. J. SIZUN rappelle quant à lui l’importance des soins de développement. Ces actions, qui tiennent compte des besoins de l’enfant prématuré, contribuent à diminuer son niveau de douleur et de stress. 


     Exemples de traitements non médicamenteux

    
Les différentes recherches effectuées dans les services de néonatalogie ont permis de mettre en évidence les effets positifs du toucher, notamment sa contribution à la diminution de la douleur : 

     - « Massage » ou toucher sensori-tonico-moteur : baisse du score d’EDIN, contribution à la lutte contre la douleur, l’inconfort et le mal-être du nouveau-né prématuré
     - « Peau à peau » : détente du bébé et lutte contre le stress
     -  Succion d’une tétine ou Allaitement maternel pendant les gestes douloureux mineurs :  effet analgésique 
     -  Enveloppement, « Toucher contenant » : effet analgésique, en complémentarité avec les autres moyens analgésiques
     -  Mise en place du NIDCAP dans le service (facteurs comportementaux et environnementaux) 
     -  Utilisation de « cocons »  : bien-être, confort 


 

La douleur chez le bébé