Présentation de la stimulation orale chez les bébés prématurés 1. Rappel théorique Dans le service de réanimation néonatale, une grande majorité des nouveau-nés prématurés sont dans un premier temps alimentés par voie parentérale (alimentation par voie veineuse), puis entérale (technique d’alimentation par voie digestive court-circuitant la voie orale, par exemple par l’intermédiaire d’une sonde gastrique). Au quotidien, ils subissent de multiples agressions péri-orales (intubation, aspiration buccale, pose de moustache, soin de bouche…) et manquent d’expériences alimentaires et sensori-motrices (le bébé ne ressent pas la sensation de faim, ni de satiété…). Or, la sphère péri-buccale est à la fois un organe d’alimentation, de relation, d’exploration, de plaisir, de langage… Après la naissance, il y a ainsi un risque d’interférer dans le développement naturel de cette fonction de plaisir. L’enfant va alors construire son schéma corporel sur un mode douloureux et risque de désinvestir cette zone orale, si importante pour son développement. Des troubles de l’oralité peuvent s’en suivre, comme l’anorexie, un trouble de la succion/déglutition (réflexe nauséeux) ou encore un retard de langage… Dans le développement, la zone autour de la bouche et la bouche elle-même, sont les premières à manifester des conduites instrumentales. In utero, la succion et la déglutition ont pu être mises en évidence. Ces conduites orientées vers un but (ces praxies), apparaissent bien avant les capacités de manipulation et d'exploration par les mains. La situation « repas » comporte un aspect narratif qui est essentiel pour le nouveau-né. La mise en forme du corps dans un schéma d’enroulement, les odeurs, les stimulations tactiles, la succion, la déglutition… constituent un ensemble de flux sensoriels et une chaîne de situations ordonnées qui débouchent sur Dans le cas du bébé prématuré, il est essentiel de préserver l'aspect narratif du repas même quand il ne peut être alimenté au biberon. La mise en forme en flexion, les stimulations périorales puis orales aboutissant éventuellement à de la succion non nutritive doivent ainsi exister au moment où le bébé est gavé. Ce maintien d’une certaine activité orale pendant la période où le bébé ne peut s'alimenter seul facilite la prise du sein ou du biberon, lorsque les conditions physiologiques permettent normalement une alimentation active. 2. En pratique Afin qu’ils ne désinvestissent pas leur corps, notamment la zone orale, il faut aider le bébé à retrouver des sensations de plaisir au niveau de cette sphère,
Et dans une perspective préventive, on cherche à éviter le développement de troubles de l’oralité.
1. Pour cela, la psychomotricienne utilise le toucher le plus tôt possible (sachant que dès 33/34 semaines, le bébé pourra physiologiquement coordonner sa respiration, sa déglutition et sa succion). Le principe est ainsi de pratiquer des stimulations répétées (si possible pluriquotidiennes, au heures de repas (gavage, biberon…) et progressives (en fonction de ce qui est toléré par l’enfant)). Un objectif est ainsi de réduire le temps de passage d’une alimentation passive à une alimentation active. Les sollicitations peuvent être réalisées à l'aide d'un doigt, ou d'un coton tige imbibé de lait maternel.
* Massage du visage : front, tempes, ailes du nez, joues, massage circulaire des masséters, massage des muscles péri-buccaux, taping sur les lèvres, pétrissage sur les muscles du menton…
* Massage de la sphère intra buccale : pression du doigt sur les lèvres, gencive supérieure et inférieure, palais, intérieur des joues, puis appui sur la pointe de la langue. Ce type de toucher massage implique un geste appuyé et non un effleurement. Sa fonction (chez un enfant gavé) est de suppléer aux expériences faites dans le développement normal du bébé.
* Sollicitation du réflexe des points cardinaux et de fouissement
* Stimulation du réflexe de succion (avec la tétine ou le doigt)
2. Pratiquer la « succion non-nutritive » lors du gavage tulipe ou de l’administration du repas par bolus (tremper dans le lait la tétine ou le petit doigt et solliciter la succion du bébé grâce à des mouvements d’arrière vers l'avant sur la langue)
Après accord médical, faire une sollicitation gustative, avec un peu de lait, ce qui amène le bébé à découvrir l’odeur, le goût, la texture du lait…
3. Une autre technique utilisée est l’alimentation à la tasse. Elle permet de nourrir les enfants prématurés de moins de 34 semaines en utilisant un automatisme fœtal qu’est le lapement. Elle a également l’avantage de prolonger les expériences gustatives faites durant la vie fœtale, ainsi que l’interaction mère-enfant. Le lait utilisé est le lait maternel. Lorsque la mise au sein est encore difficile, plutôt que de proposer uniquement le biberon, il est parfois possible de scotcher la sonde gastrique sur le doigt de la mère, de le donner à téter au bébé et de relier la sonde à une tasse de lait.
4. Quand l’enfant a été bien préparé par les stimulations, on va essayer les biberons (ou le sein). Pour aider le bébé à faire la dépression intrabuccale nécessaire à l’aspiration du lait, il suffit de lui bloquer le menton afin de réduire les mouvements de pression alternative compensatrice.
Intégrer les parents à toutes ces stimulations orales car ils sont souvent impatients de voir leur enfant boire au sein ou au biberon et apprécient qu’on leur montre ce qu’ils peuvent faire pour les aider. Ils se sentent alors utiles et intégrés aux soins. De plus, lorsque ces stimulations orales sont réalisées (en même temps que l’estomac se remplit), il est important que la mère (ou son substitut) prenne l’enfant dans ses bras, lui parle, reproduisant ainsi aussi fidèlement que possible ce qu’éprouve un nourrisson en temps normal, quand il n’a pas de difficultés pour boire.
Pour l’ensemble des soignants, il s’agit également de revaloriser la sphère orale par des soins agréables, comme notamment :
- La succion non-nutritive : la tétine apaise le bébé et lui apporte un bien-être - La mise au sein précoce : par exemple après le peau à peau, l’enfant peut être mise au sein. Ce contact lui permet d’exercer sa succion, de s’habituer au sein, d’abord pour le plaisir, puis pour s’alimenter - L’administration de petites doses de médicaments sucrés : cela augmente la sensation de plaisir liée à la succion et lui fait découvrir le goût
Toutes ces actions visent ainsi à maintenir et à développer toutes les perceptions sensorielles (tactile, olfactive, gustative) qui permettront à l’enfant, le moment venu, de s’alimenter avec plaisir.
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La sollicitation de la sphère orale |