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                  Définition des interactions précoces

     Autrefois considéré comme un être passif, le bébé apparaît depuis la fin des années 1960, comme un être actif, soumis aux influences de son entourage, mais également à l’origine de modifications de celui-ci. Sa relation avec lui est aujourd’hui envisagée comme un ensemble de processus bidirectionnels et le modèle théorique qui prévaut est celui d’une « spirale transactionnelle ou interactionnelle ».
    Les interactions se définissent ainsi comme « l’ensemble des phénomènes dynamiques qui se déroulent dans le temps entre un nourrisson et ses différents partenaires ».

 

               Les interactions comportementales

    Les interactions comportementales ou interactions réelles se définissent par la manière dont le comportement de la mère va influencer celui du bébé et inversement. Directement observables, elles peuvent se situer dans les registres corporel, visuel ou vocal.

    Les interactions corporelles se caractérisent par l’ensemble des échanges réalisés au cours des soins quotidiens et du portage de l’enfant. Elles concernent la façon dont le bébé est tenu, porté, manipulé et touché. D.W. WINNICOTT parle de holding et de handling. Elles font également référence au dialogue tonique, notion due à H. WALLON et développée par J. DE AJURIAGUERRA, et qui « désigne l’ensemble des échanges médiatisés par la manière dont l’enfant est tenu, soutenu, maintenu par le parent, et la manière dont le bébé y répond ; il y a ainsi une véritable interaction entre les postures des partenaires et le tonus musculaire qui en est corrélatif ». Détente et tension d’un partenaire affecterait l’autre. Dans le cadre d’une naissance prématurée, les interactions corporelles parents-enfant vont être perturbées par les perfusions, l’hypotonie du bébé… qui rendent plus délicat le « handling » et le « holding » parental.

    Les interactions visuelles, comme le contact œil à œil ou regard mutuel, représentent un mode privilégié de communication entre l’enfant et sa mère. D.W. WINNICOTT a introduit la notion de miroir : la mère regarde son bébé et ce que son visage exprime est en rapport direct avec ce qu’elle voit. Le nouveau-né qui regarde sa mère se voit en quelque sorte car le visage maternel reflète ses émotions. De plus, pour la mère, le regard de son enfant est ressenti comme valorisant. Mais lors d’une naissance prématurée, ces interactions sont perturbées, le bébé garde souvent les yeux fermés et l’image qu’il renvoie est plutôt négative et source d’anxiété.

    Les interactions vocales permettent également la communication et traduisent des besoins et des affects chez le bébé, permettant d’exprimer ses désirs. Par les cris et les pleurs, le bébé s’exprime : c’est son premier langage. Pour J. BOWLBY, les interactions vocales jouent un rôle important dans l’attachement, les cris apparaissant comme un signal suscitant la proximité de la mère et du bébé. P. MAZET rappelle d’ailleurs qu’on a pu comparer les cris à un « cordon ombilical acoustique ». Or, le bébé prématuré a un cri beaucoup moins vif qu’un enfant né à terme et ses pleurs sont rares. De plus, les interactions vocales risquent d’être perturbées par la présence de l’incubateur, par le port du masque…

 

               Les interactions affectives

    L’interaction affective représente l’influence réciproque de la vie émotionnelle du bébé et de celle de sa mère. Elle concerne le climat émotionnel ou affectif des interactions, le vécu agréable ou déplaisant de la communication. D. STERN introduit en 1985 le terme d’« accordage affectif ». Il s’agit « d’un acte d’intersubjectivité dans lequel le parent répond à une expression affective du bébé en la remaniant d’une autre façon et en la rejouant au bébé de sorte qu’il lui montre qu’il a partagé son expérience subjective interne ». La mère utilise ainsi pour répondre à son enfant un autre canal de communication que celui utilisé par le nourrisson, il s’agit de transmodalité. 


               Les interactions fantasmatiques

    L’interaction fantasmatique représente l’influence réciproque du déroulement de la vie psychique de la mère et de celle de son bébé, aussi bien dans leurs aspects imaginaires, conscients, que fantasmatiques, inconscients. Elle va ainsi donner sens à l’interaction comportementale. Chez le parent, la proximité de son bébé, va réactiver sa vie imaginaire et fantasmatique, il pourra ainsi parler de l’enfant imaginaire de la grossesse. Quant au bébé, grâce à l’excitation des zones érogènes, il va halluciner la satisfaction et imaginer le plaisir qui vient de l’objet qu’il se représente. Pour S. LEBOVICI, les soins maternels et leurs vicissitudes seraient ainsi pourvoyeurs de fantasmes chez le bébé.


              L’interaction père-nourrisson

     L’interaction directe père-nourrisson concerne les contacts et les échanges entre le père et son bébé. Mais l’interaction peut également être indirecte et faire référence à l’influence que le père exerce sur son enfant, au travers de la relation conjugale. Comme l’interaction mère-bébé, il s’agit d’un processus d’échanges caractérisé par la réciprocité et par des processus de régulation mutuelle. Cependant, l’interaction avec le père est plus physique, plus stimulante qu’avec la mère, mais également plus tactile. Le bébé se comporte lui aussi différemment avec son père et manifeste son excitation par ses yeux ouverts et brillants. Cependant, ces interactions vont également être perturbées dans le cas d’une naissance prématurée.



               Les perturbations rencontrées dans les interactions parents-enfant prématuré   

     D.W. WINNICOTT disait qu’un bébé tout seul ça n’existe pas. Il en est de même pour la mère. En effet, « c’est le bébé, qui parce qu’il est gratifiant, attendrissant, émouvant, parce qu’il émerveille son parent stimule le sentiment de parentalité, fait naître chez la mère un bon sentiment d’être une bonne mère. Le bébé fait donc la mère autant que la mère fait le bébé ». Or, l’enfant prématuré n’est pas toujours très gratifiant, peu ouvert à l’interaction. Son absence près de la mère peut compromettre le développement du sentiment de parentalité, l’identité de parent et la naissance du lien d’attachement. Les relations habituelles, spontanées, qui s’établissent entre les parents et leur nouveau-né, sont totalement bouleversées et il parait difficile pour les parents de faire connaissance avec leur enfant au travers d’un incubateur, au milieu des alarmes et de l’agitation du service. De plus, selon H. ALS, beaucoup de prématurés se montrent « hyper-réactifs », très sensibles aux stimulations émanant de l’environnement ou au contraire « léthargiques » rendant difficile la communication avec eux. 
     De plus, la disponibilité psychique des parents « prématurés », épuisés et stressés durant l’hospitalisation de leur enfant, est amoindrie et leurs capacités à entrer en interaction avec leur enfant sont altérées.
      Certaines mères se dévalorisent par rapport à l’équipe soignante et se désinvestissent alors de leur rôle en refusant de s’occuper de leur bébé. D’autres ont peur de le toucher et montrent une dépendance excessive envers l’équipe. Au contraire, il y a des mères surprotectrices, guettant les moindres gestes de leur enfant qui sont souvent interprétés par elles comme des signes de détresse. Quant aux mères hyperactives dans l’interaction, elles se montrent souvent intrusives, voulant faire réagir leur enfant à tout prix, afin de restaurer leurs bases narcissiques. Elles ne sont donc pas à l’écoute des besoins de leur enfant. Or comme le rappelle A. CICCONE, il est important que l’échange avec le bébé respecte un certain rythme, adapté à son état car une communication inadaptée aux besoins de l’enfant peut être angoissante pour lui. Il risque de développer une « non confiance » en lui.

      Ainsi, la prématurité apparaît comme un véritable facteur de risque de difficultés interactives. Guider la mère dans ses contacts avec son bébé et proposer des médiations faisant intervenir le toucher semble donc nécessaire pour prévenir la survenue de carences affectives, de problèmes relationnels et/ou de troubles dans le développement psychomoteur.

 

 

Les interactions parents-enfant prématuré